Le jour du combat arriva comme une vague qu’on sentait venir de loin. Toute la semaine, Neopolis avait vibré d’une excitation palpable – des écrans géants diffusaient des teasers en boucle, des drones lachaient des flyers holographiques dans les rues, et même les profs au lycée semblaient moins concentrés que d’habitude. Takao Mizuki, l’Avatar rang S+, allait affronter Fafnir, un Mythic de catégorie A, dans une arène retransmise en direct à travers le monde. Pour la plupart, c’était l’événement de l’année. Pour Akira, c’était juste un bruit de fond qu’il n’arrivait pas à ignorer.
Il se réveilla ce matin-là avec une lourdeur dans les jambes, vestige de sa dernière séance au simulateur. Son écran flottait au-dessus de lui, immuable, ses stats figées dans leur éclat bleuté.
[Nom : Akira Kaizen]
[Rang : F]
[Puissance : 1 | Agilité : 1 | Endurance : 1 | énergie Mythique : 0]
[Divinité liée : Aucune]
[Potentiel de progression : Inactif]
Il fixa la ligne Inactif un moment, repensant à ce ERR_XXXX_CHRONOS_001 qui avait clignoté deux fois maintenant. ?a le hantait, comme un mot sur le bout de la langue qu’il ne pouvait pas saisir. Mais il n’avait rien trouvé – ni dans les bases publiques, ni dans les rumeurs qui tra?naient au lycée. Juste un vide.
En bas, sa mère était déjà partie pour son premier boulot. Une assiette de riz froid l’attendait sur la table, avec un mot griffonné : Rentre pas trop tard. Il mangea en silence, le go?t fade à peine perceptible, puis attrapa son sac et sortit.
Toma l’attendait dehors, comme toujours, une canette à la main et un sourire en coin. ? Prêt pour le grand show ce soir ? ?
? Pas vraiment, ? répondit Akira, les mains dans les poches. ? Mais j’imagine que t’as prévu de squatter chez moi pour le voir. ?
? évidemment ! ? Toma ricana. ? Ta télé est pourrie, mais c’est mieux que rien. Airi vient aussi, elle a dit oui hier. ?
Akira haussa un sourcil. ? Sérieux ? ?
? Ouais. Sa s?ur bosse ce soir, alors elle préfère être avec nous. ?
Akira hocha la tête, une chaleur discrète lui montant aux joues. Il ne savait pas trop quoi penser d’Airi ces derniers temps – elle était toujours là, calme, stable, mais quelque chose dans ses silences le troublait. Il chassa l’idée et suivit Toma vers le lycée.
La journée passa dans une agitation inhabituelle. Les couloirs de Neopolis High étaient remplis de murmures excités, les élèves comparant leurs pronostics pour le combat. ? Mizuki va l’écraser en cinq minutes, ? lan?ait un rang C avec assurance. ? Non, Fafnir est plus résistant qu’un Cyclope, ? rétorquait un autre. Même les profs semblaient distraits, l’hologramme du cours du matin buggant à plusieurs reprises – un signe rare dans une ville aussi technologique.
à la pause, Akira retrouva Toma et Airi sous leur arbre habituel. Toma agitait une tablette, montrant une rediffusion d’un ancien combat de Mizuki. ? Regarde ?a, mec ! Il a one-shot un Basilisk l’an dernier. Ce type est inhumain. ?
Airi, assise contre le tronc, leva les yeux de son livre. ? Il est fort, mais il prend des risques. Fafnir pourrait le surprendre. ?
? Tu t’y connais, toi, maintenant ? ? taquina Toma.
Elle haussa les épaules. ? J’ai lu des trucs. Les Mythics de type draconique sont imprévisibles. ?
Akira écoutait sans rien dire, triturant une brindille entre ses doigts. Il n’aimait pas Mizuki – pas vraiment. Le type était trop parfait, trop intouchable, avec son sourire éclatant et ses stats qui fr?laient les limites humaines. Mais une part de lui, celle qu’il n’avouait pas, enviait cette puissance.
Après les cours, ils rentrèrent chez Akira. L’appartement était étroit, les murs jaunis par le temps, mais c’était leur QG ce soir-là. Toma s’affala sur le canapé défoncé, Airi prit une chaise près de la table basse, et Akira alluma la vieille télé. L’écran grésilla un instant avant de s’éclaircir, affichant une vue aérienne de l’arène – un d?me colossal au centre de Neopolis, entouré de gradins virtuels projetés pour des millions de spectateurs.
La voix du commentateur résonna, amplifiée par des haut-parleurs invisibles. ? Mesdames et messieurs, bienvenue au duel événement de l’année ! Takao Mizuki, rang S+, face à Fafnir, le fléau draconique de catégorie A ! ?
L’image zooma sur Mizuki, debout au milieu de l’arène. Il portait une armure légère aux reflets argentés, une lance à la main, ses cheveux noirs balayés par le vent artificiel. Son écran flottait derrière lui, éclatant de chiffres impressionnants :
[Nom : Takao Mizuki]
[Rang : S+]
[Puissance : 95 | Agilité : 88 | Endurance : 90 | énergie Mythique : 92]
[Divinité liée : Amaterasu]
Toma siffla. ? Ces stats sont absurdes. ?
? Il a bossé pour ?a, ? murmura Airi, les yeux fixés sur l’écran.
Puis Fafnir apparut. La créature émergea d’une fosse au centre de l’arène, un dragon massif aux écailles noires et aux yeux rougeoyants. Ses ailes membraneuses battaient l’air, projetant des rafales de poussière. Un grondement sourd fit trembler l’image, et Akira sentit un frisson lui remonter le dos malgré lui.
? ?a commence ! ? lan?a Toma, se redressant.
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Mizuki ne perdit pas de temps. Il s’élan?a, sa lance tra?ant une ligne de lumière dans l’air. Fafnir rugit et cracha une gerbe de flammes vertes, mais l’Avatar esquiva d’un bond, atterrissant sur le flanc de la bête. Sa lance s’enfon?a dans une écaille, arrachant un hurlement à la créature. Le public – virtuel et réel – explosa en cris.
? Il est rapide, ? murmura Airi, presque à elle-même.
Akira regardait, fasciné malgré lui. Chaque mouvement de Mizuki était précis, calculé, comme une danse mortelle. Fafnir riposta, sa queue balayant l’arène dans un arc dévastateur. Mizuki sauta par-dessus, retombant avec une grace inhumaine, et planta sa lance dans le cou du dragon. Du sang noir éclaboussa le sol.
Mais alors que le combat s’intensifiait, quelque chose attira l’attention d’Akira. Un léger tremblement, à peine perceptible, traversa l’image. La télé grésilla une seconde, et une ombre fugitive passa sur l’écran – pas dans l’arène, mais dehors, au loin, derrière les gradins virtuels. Il cligna des yeux, troublé.
? Vous avez vu ?a ? ? demanda-t-il.
Toma fron?a les sourcils. ? Vu quoi ? ?
? L’écran… Y’avait un truc bizarre. ?
Airi tourna la tête vers lui, ses yeux plissés. ? Bizarre comment ? ?
Avant qu’il ne puisse répondre, un rugissement assourdissant couvrit la voix du commentateur. Fafnir se cabra, ses griffes labourant le sol, et une vague de flammes balaya l’arène. Mizuki recula, son armure fumante, mais il souriait toujours.
La télé grésilla encore, un bruit aigu qui per?a le vacarme du combat. Akira fron?a les sourcils, mais Toma était trop absorbé pour le remarquer, les yeux rivés sur l’écran. ? Allez, Mizuki, finis-le ! ? cria-t-il, un poing levé comme s’il était dans l’arène lui-même. Airi, elle, restait silencieuse, ses doigts serrés autour de son livre fermé.
Sur l’écran, le duel atteignait son apogée. Fafnir, malgré la lance plantée dans son cou, se débattait avec une fureur sauvage. Ses griffes labouraient le sol de l’arène, projetant des éclats de pierre dans toutes les directions. Une de ses ailes battit violemment, et une bourrasque balaya Mizuki, qui vacilla pour la première fois. La foule retint son souffle – un murmure collectif amplifié par des millions de spectateurs virtuels.
Mais Mizuki ne flancha pas longtemps. Il planta un genou au sol, stabilisa sa lance, et une lumière dorée jaillit de son arme – un éclat si vif qu’Akira plissa les yeux malgré la distance de l’écran. ? C’est son skill ultime, ? murmura Airi, presque à elle-même. ? Rayon d’Amaterasu. ?
La lance s’illumina davantage, et Mizuki bondit, traversant l’arène comme une comète. Fafnir rugit, crachant une dernière vague de flammes vertes, mais l’Avatar esquiva en plein vol, sa silhouette floue dans la tempête de feu. La lance frappa, per?ant le crane du dragon entre les yeux. Un craquement résonna, suivi d’un silence assourdissant alors que Fafnir s’effondrait, son corps massif s’écrasant au sol dans un nuage de poussière.
La foule explosa en acclamations. Le commentateur hurla : ? Victoire écrasante pour Takao Mizuki ! Une performance légendaire qui consolide son rang S+ ! ? L’écran de Mizuki s’actualisa en direct, ses stats clignotant sous les cris :
[Puissance : 96 | Agilité : 89 | Endurance : 91 | énergie Mythique : 93]
Toma sauta du canapé, renversant presque sa canette. ? T’as vu ?a ?! Ce mec est un monstre ! ?
Airi hocha la tête, un sourire discret aux lèvres. ? Il a pris des risques, mais ?a a payé. ?
Akira, lui, restait assis, les bras croisés. Il ne pouvait pas nier l’exploit – Mizuki était impressionnant, presque inhumain. Mais une part de lui, celle qui voyait ses propres stats figées à 1, ressentait une amertume qu’il ne pouvait pas chasser. ? Ouais, ? murmura-t-il. ? Impressionnant. ?
Toma se tourna vers lui, un sourcil levé. ? Quoi, t’es pas hypé ? C’était épique ! ?
? Si, si, ? répondit Akira, sans conviction. ? Juste… rien de nouveau. Les forts gagnent, les faibles regardent. ?
Airi le fixa un instant, ses yeux sombres cherchant quelque chose dans son expression. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais un nouveau grésillement de la télé l’interrompit. L’image trembla, et cette fois, ce n’était pas un simple bug. Une ombre passa à nouveau sur l’écran – plus nette, plus grande, comme une silhouette colossale qui se dessinait au loin, derrière l’arène. Le commentateur continua, inconscient : ? Restez avec nous pour l’analyse post-combat ! ?
? Là ! ? lan?a Akira, se redressant. ? Vous avez vu ? ?
Toma fron?a les sourcils. ? Vu quoi ? La télé qui déconne ? ?
? Non, y’avait un truc… dehors. Pas dans l’arène. ?
Airi se leva, s’approchant de l’écran. L’image revint à la normale, montrant Mizuki saluant la foule, mais elle plissa les yeux. ? C’était pas un glitch. C’était… quelque chose. ?
Avant qu’ils ne puissent creuser, un bruit sourd résonna – pas depuis la télé, mais dehors. Les vitres de l’appartement vibrèrent légèrement, et un frisson traversa l’air. Toma s’arrêta net, sa canette à mi-chemin de sa bouche. ? C’était quoi, ?a ? ?
Akira se leva d’un bond et ouvrit la fenêtre. Les rues de Neopolis étaient plongées dans une pénombre inhabituelle, les néons clignotant par intermittence. Un grondement lointain roula dans le ciel, comme un orage qui approchait, mais il n’y avait pas de nuages. Juste une sensation lourde, oppressante, qui pesait sur ses épaules.
? Un tremblement de terre ? ? suggéra Toma, rejoignant Akira à la fenêtre.
? Non, ? murmura Airi, sa voix tendue. ? C’est autre chose. ?
Akira fixa l’horizon, là où les gratte-ciel de la ville centrale se dressaient comme des sentinelles. Une lueur rougeatre, presque imperceptible, pulsait au loin, près de l’arène où Mizuki venait de combattre. Puis son écran personnel clignota – un scintillement fugace, mais assez net pour qu’il le remarque. Cette fois, Toma et Airi le virent aussi.
ERR_XXXX_CHRONOS_001
Le code disparut aussi vite qu’il était apparu, mais Akira sentit son c?ur s’emballer. ? C’est encore ce truc, ? dit-il, la voix rauque.
Toma écarquilla les yeux. ? Attends, quoi ? T’as un bug dans ton Dashboard ? ?
Airi s’approcha, son regard fixé sur l’espace où le message avait clignoté. ? ?a fait combien de fois, maintenant ? ?
? Trois, ? répondit Akira. ? Mais j’sais pas ce que ?a veut dire. ?
Dehors, le grondement s’intensifia, et une sirène retentit quelque part dans la ville – un son aigu, inhabituel, qui per?a le brouhaha habituel de Neopolis. Les écrans publics, ceux qui diffusaient encore les célébrations de Mizuki, basculèrent soudain sur un message d’alerte : Anomalie détectée. Restez vigilants.
Toma siffla. ? OK, là, ?a devient chelou. ?
Akira ne répondit pas. Il fixait l’horizon, cette lueur rouge qui semblait grandir, imperceptiblement mais s?rement. Une sensation étrange remonta le long de sa colonne vertébrale – pas de la peur, pas encore, mais une certitude qu’il ne pouvait pas expliquer. Quelque chose arrivait. Quelque chose de plus grand que Mizuki, que Fafnir, que tout ce qu’il avait vu jusqu’ici.
Airi posa une main sur son bras, un geste léger mais ferme. ? On devrait rentrer chez nous. ?
? Ouais, ? murmura Toma, moins assuré qu’avant. ? Mais c’est quoi, ce bordel ? ?
Akira ne répondit pas. Il referma la fenêtre, mais le grondement persistait, un écho qui vibrait dans ses os. Et dans un coin de sa tête, ce mot – Chronos – tournait en boucle, comme une clé qu’il n’avait pas encore trouvée la serrure.